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Hiver 1959, le 2 décembre, 5 ans après son inauguration le barrage de Malpasset cède sous la pression des eaux, devenues trop fortes. C’est une vague de 40 mètres, dans un fracas assourdissant, qui dévale la petite plaine de Reyran en balayant tout sur son passage.
Le bilan est terrible : 423 morts dont 135 enfants, 107 disparus.
Dans le Var de l’après guerre de grands travaux d’infrastructure sont lancés par le conseil général. Dans ce cadre un barrage est envisagé sur le Reyran. Ses crues sont sources fréquentes de dégats et l’agriculture locale a de gros besoins en irrigation pendant la période estivale.
Le projet est soumis au bureau d’études de André Coynes, auteur notamment du grand barrage de Tignes. Le site retenu est celui de Malpasset : se situant à une dizaine de kilomètres de Fréjus. La vallée est très encaissée et les études montrent une roche suffisamment solide pour choisir la construction d’un barrage en voûte.
Contrairement au barrage poids, qui doit opposer une force statique proportionnelle à celle exercée en amont par le poids de l’eau, le barrage en voûte se déforme en dispersant les forces exercées sur ses fondations rocheuses. Pour permettre ce type de construction la qualité de la roche doit être irréprochable. Le résultat est un ouvrage plus harmonieux, plus spectaculaire et surtout plus résistant. Le concepteur est tellement confiant qu’il crée un barrage voûte jugé alors le plus mince d’Europe : 6.5m d’épaisseur à sa base, 1.5m à son sommet ! Il mesurait 60m de haut pour 220m de large le volume de la retenue était de 50.000.000m3.
L’inauguration et la mise en eau partielle de l’ouvrage a lieu en 1954 aprés trois ans de construction. Il est malheureusement impossible de tester en pratique la résistance du barrage car la pluviométrie est insuffisante pour remplir le réservoir.
Un autre projet important pour la région PACA est en cours de construction sur la rive gauche et en aval de l’édifice. Il s’agit de l’autoroute A8 entre Nice - Aix en Provence. Ceci a une certaine incidence sur le déroulement de la catastrophe car pour niveler le terrain de fortes charges de dynamite sont utilisées. Des charges si importantes que le gardien du barrage dira plus tard que l’on pouvait voir la surface du lac de Malpasset frémir sous les déflagrations !
Situation géographique et vue du barrage achevé.
La journée du 2 décembre 1959 c'est une pluie torrentielle qui s'abat sur le Var et les monts entourant le site de Malpasset, cela fait quinze jours que la pluie tombe sur la région. Il y a deux jours le barrage était monté à la côte de 98 et le gardien a ouvert la vanne pour faire baisser le niveau et relâcher un peu de pression. Mais aujourd'hui c'est impossible! Les ingénieurs du chantier autoroutier sont en train de couler les piliers du futur pont qui enjambera le lit du Reyran. Le gardien est inquiet : le barrage n'a pas encore supporté une telle pression. On peut penser qu'il y avait eu des signes précurseurs du drame puisque des témoins signalent des fissures ainsi que des voies d'eau entre le barrage et la roche le supportant. A 18h on donne l'autorisation au gardien d'ouvrir la vanne du barrage. La vanne ouverte au maximum ne permet plus de faire descendre le niveau du lac qui fait 18kms de long et parfois trois de large.
Le soir du 2 décembre 1959 André Ferro rentre pour dîner avec sa femme et son petit garçon, il est 20h50. Sa maison se situe à un peu plus de deux kilomètres en aval du barrage. A 21h13, toujours aussi angoissé il s'apprête à remonter au barrage quand il entend "comme une sorte de grognement d'animal" : un bruit assourdissant et des grincements de ferrailles. Il comprend immédiatement que le barrage vient de céder. Il entraîne aussitôt sa femme et son garçon sur la colline dominante ; juste à temps pour voir déferler une vague de 40 mètres de haut passer sur sa maison à la vitesse de 70kms/h!
En moins de sept minutes, dans la vallée du Reyran c'est une cinquantaine de maison qui sont détruites et déjà plus d'une centaine de morts sans qu'aucune alerte ne soit donné à Fréjus. Un paysan témoigne : "J'étais chez moi au deuxième étage, j'ai vu arriver la trombe d'eau qui me dominait de plusieurs dizaines de mètres, encerclant la maison. Les murs ont tenu. Quelques secondes plus tard, elle était passée, mais le flot continuait à couler, dans lequel je pouvais tremper mes mains. Au loin, la vague progressait à la vitesse d'un cheval au galop et je voyais sur la route les phares des voitures bousculées et traînées comme des fétus de paille."
Dix minutes après un torrent de boue se déverse dans les quartiers ouest de Fréjus. La gendarmerie donne l'alerte au tocsin. C'est la panique en ville : les gens se jettent dans les rues, certains prennent leurs voitures, qui immancablement resteront bloqués dans un énorme embouteillage.
Vingt minutes après une vague de 2 mètres de haut qui bouscule toutes ces voitures et écrase des piétons et renverse des avions de la base aéronavale de Fréjus avant de se jeter dans la mer avec des milliers de détrituts et des centaines de corps.
Le bilan est terrible : 423 morts dont 135 enfants, 107 disparus. Le drame laissera 79 orphelins.
Les études géologiques montraient alors déjà quelques signes qui auraient dû alerter le concepteur : une roche tout juste acceptable(*) pour supporter ce genre de barrage. Lors de la construction des fondations, les maçons ont été obligés de creuser la roche pour atteindre une meilleure qualité d’encrage. Mais surtout les études ont été trop approximatives. Car aujourd’hui nous savons qu’il existe une faille au milieu des schistes( une roche perméable) et qu’une pression trop importante sur le barrage aurait permis l’infiltration de l’eau. C’est exactement ce qui c’est passé le 2 décembre 1959. Sous la pression l’eau c’est infiltré dans cette faille et à modifié l’assise de l’édifice (Après le drame les experts ont pu voir les roches d’appui fissurées et tournées vers l’aval). Toutes les forces se sont concentrées en un même point et le barrage a cédé à cet endroit. Ensuite, en perdant son appui sur la rive gauche le barrage c’est écroulé entièrement. Seul le flan droit est préservé.
Il est probable également que la faille découverte après la catastrophe n’était pas présente au moment de la construction. Il est possible que la construction de l’autoroute A8, toujours sur cette rive gauche du Reyran, et l’utilisation de fortes charges explosives en soient l’origine.
Il y a eu aussi des facteurs aggravant à cette catastrophe. Des facteurs qui n’auraient pas évité l’écroulement mais qui, s’ils n’avaient pas été présents, auraient pu éviter un nombre aussi important de victimes. L’alerte n’a pas été donnée alors que des signes de fragilité du barrage avaient été décelés. ( des fissures, voies d’eau sur la rive gauche ) Les populations directement exposées au danger auraient pu être évacuées. Au moment de la catastrophe le gardien n’a pas pu prévenir les pouvoirs publics de Fréjus qu’une vague aller déferlé sur eux car les services téléphoniques étaient paralysés par une grève.
Il est aujourd’hui exclu d’utiliser le Reyran à des fins énergétiques et agricole à l’aide d’un nouveau barrage. Même si les mauvaises expériences du passé ont été analysées, la crainte est trop grande de voir une nouvelle catastrophe dans la région. Le fleuve capricieux est désormais canalisé humblement par des digues mais il est certain qu’il ne sera jamais réellement dompté par l’homme.